Le grand souvenir de votre enfance ?
Ce qui pourrait me rester, c’est le jus qui coule d’une panse de porc farcie aux herbes qu’a préparée mon cousin, Jean-Marc, en Lozère. Je regarde le jus couler et je suis comme hypnotisé. Ensuite, j’ai pu y goûter. Et puis c’est l’ambiance des grandes tablées, les rires, les discussions, le bruit du pain qu’on coupe. Je viens d’une grande famille. Ma grand-mère a eu 13 enfants. Nous étions toujours une vingtaine de personnes à table. C’était vraiment bien.
Le plat qui vous a marqué ?
Le poulet à la bouteille de ma grand-mère. Elle rentrait, avec des aiguilles à tricoter, la peau dans la bouteille et ensuite, la farce par le goulot. Puis, elle mettait un bouchon, un fer, et elle faisait stériliser. Le goût qui en découlait, la gelée, ça aussi je m’en souviendrai toute ma vie.
Refaites-vous cette recette ?
Non, la recette que je refais aujourd’hui, ce seraient plutôt les girolles au vin jaune que faisait Louis Grondard. C’est une des bases de mon métier. Il y en a comme ça quelques-unes que j’utilise encore. Un plat, c’est comme un langage, vous vous accrochez à des choses qui vous rassurent.
Votre premier restaurant ?
Je m’en souviens parfaitement. C’était à Paris dans le 17e arrondissement. La Truffe noire, je crois que ça s’appelait. J’étais allé manger là avec une fille que je draguais et qui s’appelait Carole, avec qui je suis toujours en contact. Une amie maintenant. Une femme sublime, championne de natation, qui avait de grands yeux bleus. Elle est devenue restauratrice d’ailleurs, figurez-vous. Elle vient de temps en temps à Paris. Nous nous apprécions beaucoup. Donc à l’époque, je sors Carole dans ce restaurant. Nous prenons deux menus dégustation. Et la somme des additions représente pour moi un mois de travail ! Je n’ai pas pu payer. J’ai demandé à mon père. Il m’a répondu : « Écoute, je te prête cet argent mais avec des intérêts. » Mon père, quoi... Sur le coup, je suis allé voir le chef, que je connaissais un peu, en lui disant que je ne pouvais pas payer de suite. Il a été arrangeant. C’est drôle. Je me rappelle très bien comment elle était habillée. Elle avait une mini-jupe et des talons aiguilles. Elle faisait 1,80 m, cette fille. J’ai pété plus haut que mon cul, cette fois quand même.
Avez-vous déjà cuisiné pour votre famille ?
Toujours. Bienheureux d’avoir un cuisinier à la maison. C’est dingue, non ?
Quel plat feriez-vous goûter à votre père ?
Alors, s’il y a bien un truc que je ne fais pas, c’est de lui faire la cuisine. Pour ça, je laisse ma mère faire. Je ne veux pas me foutre dans sa cuisine. Je vais toujours chez eux. Comme avant. Mais c’est elle la patronne. Et elle fait ça tellement bien que je ne préfère même pas intervenir. (rires)
À table, en famille, quel est votre menu ?
Je vais à la boucherie Les Viandes du Champ de Mars. Ça peut être un pigeon rôti en cocotte, des choses comme ça. Chez nous, on aime bien les volailles. Peut-être un curry de volaille. J’ai une amie de Singapour qui craint sûrement que nous manquions de curry. Elle m’en envoie plein. On en a plein le congélateur. Mais c’est histoire de dire qu’elle nous aime. Quand je cuisine à la maison, c’est toujours simple mais bon. De plus en plus, je fais gaffe à ce que je me cuisine le soir, parce que je mange beaucoup. Et que j’aime bien les bonnes pommes de terre sautées.