Sophie Lacroix « Dans un restaurant, on peut se permettre des fantaisies »

Étoile montante de l’architecture d’intérieur et de l’édition de mobilier haut de gamme, Sophie Lacroix s’est imposée rapidement dans l’univers de la restauration (avec le Siena et Dandino à Paris, Le Muguet à Toulon) en s’entourant d’une équipe d’architectes et de designers de talent. Son univers, féminin et raffiné, mêle artisanat d’art et influences méditerranéennes.
Article rédigé par
Céline de Almeida

Vous avez rapidement travaillé sur des réalisations de grande envergure, malgré votre jeune âge… D’où vous vient cette assurance ?
Après deux ans chez Gilles & Boissier, j’ai voulu monter ma propre structure pour faire de l’architecture d’intérieur, mais avec la même qualité de projets. Afin de monter, dès le départ, une équipe avec des compétences et des ressources capables de répondre aux exigences de budgets conséquents, j’ai décidé de m’inspirer du modèle des start-up que l’on peut trouver dans la tech et de faire une levée de fonds… Cela n’a pas été facile au début, mais j’ai tout de même réussi à convaincre dix associés issus d’horizons très différents. Aujourd’hui, l’agence compte cinq membres permanents, ainsi que, bien entendu, des free-lances réguliers.

Idéalement placé au cœur de Saint-Germain-des-Prés à Paris, le Dandino propose une cuisine 100 % italienne, gourmande et généreuse mais chic. Une carte en osmose avec la décoration, entre matériaux nobles et camaïeu de terracotta. © Gaëlle Le Boulicaut

En quoi la restauration est-elle un terrain de jeu privilégié pour vous ?
On ne peut pas penser de la même manière un espace où l’on va vivre de manière pérenne et un espace où l’on va simplement passer une soirée… Dans un restaurant, on va se permettre plus de fantaisies, s’amuser à créer un décor et faire appel à des artisans pour créer un papier peint ou une moquette, réaliser des fresques ou des bas-reliefs. Dans le résidentiel, la décoration intérieure doit être plus apaisante, presque minimaliste.

Mobilier sur mesure, collaborations avec des artisans et designers triés sur le volet, sourcing pointu et durable
des matériaux… telle est la marque de fabrique de l’équipe pilotée par Sophie Lacroix. © Gaëlle Le Boulicaut

Pour le Siena, vous avez imaginé des scénarios de son et lumière afin de créer une expérience immersive complète. Au-delà de l’assiette, quelles sont selon vous les clés d’une expérience réussie ?
Nous essayons de faire cohabiter deux ressentis parfois contradictoires : le grandiose et l’intime. Pour y parvenir, nous dessinons, entre autres, énormément de banquettes sur mesure. C’est un choix essentiel pour nous. Nous les pensons comme des canapés car nous avons la conviction que plus on enveloppe le client, plus l’ambiance est chaleureuse… Toutefois, le décor est indissociable de la lumière et de la qualité acoustique du lieu. Pour cela, nous travaillons avec des maîtres d’œuvre issus de la restauration festive. Dans les établissements que nous concevons, on peut dîner, boire un verre puis faire la fête. L’éclairage et l’intensité sonore doivent donc être différents selon l’heure de la journée.

Justement, avez-vous pour habitude de travailler en collaboration avec des chefs ?
C’est propre à chaque restaurant, selon l’implication du chef mais également du propriétaire des lieux. Souvent, cela se limite à des questions d’ergonomie et de confort ; parfois on a carte blanche et, de temps en temps, on travaille en lien étroit. Dans le cas du Muguet, rendez-vous historique de l’équipe et des supporters du Rugby club toulonnais, Armand Fabien, tête de proue de l’exploitation, avait pour sa brasserie une vision très bienveillante et inclusive de l’accueil et de la restauration. Notre challenge était d’en faire un lieu chic mais accessible au plus grand nombre. Dans l’architecture, cela se traduit, entre autres, par des banquettes larges et accueillantes, à l’image des plats, très généreux. 

Où puisez-vous votre inspiration pour chaque projet ?
Cela dépend des lieux et des philosophies. Mais il s’agit avant tout de respecter l’architecture et le contexte tout en apportant une identité forte au restaurant. Par exemple, pour le Siena à Paris, situé sur la place du Marché-Saint-Honoré, nous souhaitions rester dans une inspiration parisienne, mais le client avait plutôt en tête l’idée d’un palace italien. Nous avons donc mixé moulures et esprit dolce vita. 

Conçu comme un palazzo méditerranéen, le Siena, adresse incontournable de la place du Marché-Saint-Honoré, à Paris, se distingue par ses nuances terre de Sienne, ses grands miroirs et ses fresques signées par les artistes-peintres Rosatelier. © Gaëlle Le Boulicaut

Vous développez également une collection d’objets en série limitée en collaboration avecl’ébéniste Robin Poupard. C’est important pour vous de promouvoir l’artisanat français ?

Oui, c’est essentiel. Même pour nos projets de restauration, nous tenons à dessiner absolument tout le mobilier, de la chaise au guéridon, sauf si la temporalité est trop courte. Et dans ce cas, nous précédons à une curation très exigeante, notamment en termes de durabilité.

Emblème du Rugby club toulonnais depuis 1921, la brasserie Le Muguet mixe désormais les codes du rugby avec une inspiration méditerranéenne. Démonstration en image avec ce décor mural ton sur ton en hommage aux Rouge & Noir. © Pierre Hajizadeh

Quelles sont vos perspectives ?

Au printemps prochain, l’un de nos plus gros projets à ce jour va ouvrir ses portes : il s’agit d’un beach club en Grèce, sur lequel nous travaillons depuis deux ans et pour lequel nous avons tout imaginé de A à Z. Nous concevons également à Paris un restaurant avec boîte de nuit place de la Bourse, ou encore deux appartements dans le Marais. La prochaine étape serait de travailler sur un projet d’hôtellerie. J’aime l’idée de pouvoir conjuguer ma connaissance du résidentiel avec mon expérience de la restauration.

Jeunesse active
Diplômée avec les honneurs de l’École Penninghen en 2019, Sophie Lacroix, créatrice franco-belge, collabore durant deux ans avec l’agence parisienne Gilles & Boissier avant de fonder sa propre structure mêlant architecture d’intérieur et édition de mobilier, baptisée Bureau Lacroix. Son signe distinctif : une approche sur mesure et une volonté d’excellence, en association avec des artisans de talent. En témoigne sa dernière collaboration avec l’ébéniste Robin Poupard pour le Four Seasons Hotel George V : une collection d’objets pour la table en noyer et marbre dédiée au petit déjeuner.
Armand Fabien, directeur général de la brasserie Le Muguet à Toulon
« Sophie nous a été présentée par le président-propriétaire du Rugby club toulonnais. Notre contrainte était d’ouvrir l’établissement à un public plus large sans décevoir les habitués. Sophie, qui est de la région et a “la fibre” du Sud, a réussi ce pari en apportant une touche de féminité tout en restant dans un esprit club house. La carte mixe les codes de la brasserie haut de gamme avec une inspiration méditerranéenne, notamment un four à pizza, et se décline en plusieurs offres – brasserie, table de supporters, repas d’affaires… – afin de s’adapter, elle aussi, à tous nos publics. »
Crédit photo :
Gaëlle Le Boulicaut, Pierre Hajizadeh
Article paru dans le n°
5
du magazine.
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