Oscar Lucien Ono « Le storytelling permet de lier le décor à la carte de manière presque organique »

Esthète aux allures de dandy, le designer parisien, fondateur du studio Maison Numéro 20, signe des espaces à son image : singuliers, chaleureux et raffinés. Conçus comme des décors de films d’auteur dont les clients seraient les heureux protagonistes, ses lieux invitent à s’évader du quotidien.
Article rédigé par
Céline de Almeida

Pour vous, c’est important de raconter une histoire lorsque vous imaginez un lieu ?
Tout à fait ! Avant de dessiner quoi que ce soit, je définis les grandes lignes. Je ne peux pas concevoir de créer un décor sans me reposer sur un design narratif. Chaque projet est une page blanche, un nouveau film, une nouvelle histoire… Cette approche me permet de façonner chaque espace comme un être particulier doté d’un supplément d’âme, mais également de structurer mon travail. En effet, ce storytelling va orienter le choix des matériaux et des couleurs, mais aussi la musique d’ambiance, l’éclairage et même la carte, pour un restaurant.

Situé en plein cœur du 8e arrondissement de la capitale, le Bayadère, restaurant de l’Elysia, est une ode au célèbre ballet remanié par Rudolf Noureev à l’Opéra de Paris. © Francis Amiand

Justement, avez-vous pour habitude de travailler en collaboration avec des chefs ? Comment cela se traduit dans l’aménagement et la décoration des restaurants ?
Nous allons principalement échanger autour des contraintes et des besoins techniques qui vont influer sur le choix des matériaux et l’organisation des espaces, comme la taille des passe-plats ou le nombre de tables et de couverts. Pour le reste, c’est le storytelling qui va permettre de lier le décor à la carte, de manière presque organique.

Bienvenue au DOX, le restaurant franco-américain du Hyatt Düsseldorf, conçu comme une néobrasserie Art déco où dorures, bronze et verre de Murano répondent à des bois vernis et marbres colorés. © Didier Delmas

Où puisez-vous votre inspiration pour chaque réalisation ?
Cela peut être dans l’histoire du bâtiment, son architecture, les personnalités qui l’ont fréquenté ou, s’il s’agit d’un nouveau lieu, un déclic, une sensation, un feeling… Je suis capable d’être très spontané tout comme de proposer un storytelling très travaillé ! Par exemple, pour le restaurant DOX du Hyatt Regency de Düsseldorf, situé sur les docks du Rhin et dont l’architecture évoque un paquebot, je me suis inspiré d’un transatlantique des années 1920. Son décor invite au voyage à travers des matériaux nobles tels que le bois verni, le velours vieilli et le laiton, dans un esprit exotique sophistiqué, tandis que la cuisine propose une fusion franco-américaine, comme un trajet France-États-Unis sur un navire fastueux. Pour le Romi, niché au cœur du Tropical Hotel à Saint-Barth, je suis parti de l’idée de faire entrer une oasis végétale à l’intérieur. J’ai donc imaginé une bulle colorée, avec des pastels et des roses, dans un esprit tropical revisité évoquant le Palm Springs des années 1930 à 1940. Un exotisme qui se retrouve également dans la cuisine indonésienne. 

Comment parvenez-vous à infuser votre ADN dans ces projets très différents ?
Je pense que les histoires que l’on a envie de raconter correspondent forcément à ce que l’on aime faire. Chez Maison Numéro 20, cela va se traduire par une influence des années 1930 dans le choix du mobilier, avec des formes anguleuses, des laques, des bois vernis, des tissus, des motifs et de la passementerie. Nous essayons d’intégrer des artistes dans chacun de nos projets, notamment à travers l’artisanat d’art avec des fresques murales, des décors et des patines décoratives.

Comment concevez-vous l’éclairage d’ambiance, qui est l’une de vos signatures ?
Nous avons l’habitude de travailler un éclairage secondaire ambré avec des matériaux qui reflètent la lumière, comme le cuivre ou la pierre. Pour la restauration, nous allons, en plus, nous adjoindre les services d’un éclairagiste qui va non seulement nous accompagner sur les aspects techniques, mais aussi nous permettre de mettre en place des scénarios selon les besoins des différents lieux et des différents moments de la journée… De manière générale, nous collaborons avec des experts sur tous les postes techniques.

Pour le restaurant Romi, comme pour tout le Tropical Hotel à Saint-Barth, Oscar Lucien Ono signe un décor chic et exotique mêlant végétation luxuriante, motifs tropicaux et couleurs pastel. © Didier Delmas

Quels sont, selon vous, les éléments clés pour donner le ton d’un restaurant ?
La lumière, dont nous avons déjà parlé, qui doit être travaillée et modulable, mais également l’acoustique ainsi que l’utilisation de matériaux durables. Mais avant tout, je dirais que pour créer une atmosphère particulière, il faut oser instiller des touches de fantaisie. Et puis, si l’on ne peut pas s’amuser un peu dans les espaces publics, où va-t-on ?!

Niché au sein de l’hôtel MGallery Nest Paris La Défense, Ô Mazette ! est rythmé par un mix & match de matières précieuses, de formes et de luminaires sur mesure en verre et laiton.

Vous semblez avoir une prédilection pour les bars et les alcôves… Est-ce en lien avec votre fascination pour l’architecture des années 1930 à 1940 ?
Au-delà de la période, c’est un geste décoratif que j’apprécie particulièrement. Les alcôves vont me permettre de créer des points d’attention où la décoration va être plus marquée, soit par la couleur, soit par un motif, sur le mobilier ou sur les murs… Le bar est quant à lui un élément central, très visuel et créateur d’ambiance dans un restaurant. C’est important de le mettre en scène car il fait partie du décor.

Un autre regard sur les arts décoratifs
Autodidacte érudit, fasciné par Le Caravage et l’architecture des années 1930 à 1940, Oscar Lucien incarne depuis dix ans un certain sens de la sophistication et du décalage. Baptisée Maison Numéro 20 en référence à l’adresse de son siège social rive gauche, son agence de décoration et d’architecture intérieure remet au goût du jour les arts décoratifs à la française. Un style à part, où l’artisanat et les matériaux nobles s’encanaillent à travers des mises en scène intimistes et extravagantes, qui a déjà séduit de nombreux particuliers et propriétaires d’établissements haut de gamme, comme les hôtels Nest Paris La Défense ou Hyatt Düsseldorf et leurs restaurants respectifs, Ô Mazette ! et DOX.
Paul Hoffmann, chef du DOX à Düsseldorf « Nous créons des plats exclusifs en accord parfait avec le décor raffiné d’Oscar. »
« Nous avons travaillé main dans la main afin que le restaurant et nos assiettes soient coordonnés… Du choix de la vaisselle – par exemple les verres utilisés pour notre cocktail signature – au design du menu, en passant par la sélection des plats – Bloody Mary aux huîtres, homard à la Thermidor, bouillabaisse ou chateaubriand –, tout répond parfaitement au thème de la brasserie franco-américaine. En outre, nous avons adapté le dressage avec des hamburgers garnis de feuilles d’or ou encore des verres ornés d’ananas dorés qui se reflètent dans la décoration aux nuances ambrées d’Oscar. »
Crédit photo :
Didier Delmas, Francis Amiand
Article paru dans le n°
4
du magazine.
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