Arrivé en France à l’âge de 18 ans après une enfance en Colombie, Juan Arbelaez entame une formation à l’école Le Cordon Bleu, à Paris, qu’il perfectionne sous la houlette de Pierre Gagnaire, Éric Briffard puis Éric Frechon. En 2012, sa participation à la saison 3 de « Top Chef » le place parmi les jeunes cuisiniers à suivre. Un an plus tard, il ouvre Plantxa, son premier restaurant, à Boulogne-Billancourt, près de Paris. S’ensuit une riche aventure culinaire : le Nubé sur les Champs-Élysées, la franchise grecque Yaya… Figure médiatique, le chef participe à plusieurs émissions (« Cuisine impossible », « Dans la peau d’un chef »…) et prête sa voix à une production Disney, Encanto : La Fantastique Famille Madrigal. Il vient d’ouvrir un nouveau restaurant Yaya à Lille, une cave à manger basque, Arbela, à Paris, signe la carte du Café Messika au Printemps-Haussmann et un « carnet de route » sur la cuisine colombienne, Recuerdame, aux éditions First.
De quel milieu venez-vous, Juan Arbelaez ?
J’ai eu la chance de naître dans une famille aimante. Nous faisions partie de la classe moyenne colombienne. Grâce au travail de mon père avocat, nous avons pu vivre dans de beaux endroits sans jamais avoir à nous plaindre. Les choses se sont compliquées dans les années 1980-1990 avec ce qui s’est passé en Colombie (la progression du narcotrafic qui a déstabilisé l’État et provoqué la montée de la violence, NdlR). Ces années-là ont été un peu plus difficiles, même si nous avons continué à vivre dans de bonnes conditions.
Un souvenir particulier de cette époque violente pour la Colombie ?
Je me rappelle le temps où les cartels de Medellín et de Cali se faisaient une guerre de territoire. Un jour, nous avons déposé ma mère pas loin de la Calle 93, où il y avait un centre commercial. Nous sommes partis et, 30 minutes plus tard, une bombe a explosé. Je devais avoir 5 ans, mais je garde en mémoire la panique à la maison. Nous pensions que ma mère et ma tante étaient là-bas à faire leurs courses. Elles étaient parties ailleurs.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué à votre arrivée en France à l’âge de 18 ans ?
Je venais avec l’espoir d’accomplir le rêve de mon grand-père. J’ai débarqué à Paris en plein hiver, au mois de janvier. Cette ville est en ébullition constante, mais c’est la froideur des gens qui m’a le plus choqué. Au départ, c’était très dur à vivre. Mais finalement, vous comprenez que les Parisiens sont comme des artichauts : durs dehors, mais au cœur moelleux et fondant.
Vous avez été révélé au grand public par « Top Chef ». Appréciez-vous la télévision ?
À la télé, il y a des gens fabuleux, créatifs. C’est un univers de dingue, qui m’a permis de voyager. Grâce à « Cuisine impossible », j’ai découvert les cuisines islandaise, canadienne, israélienne, bavaroise… D’une certaine façon, la télévision m’a permis d’accrocher d’autres cordes à mon arc.
Quelle image avez-vous de vous ?
Je suis un peu un enfant du monde. Le mec qui vient de Colombie, installé en France et qui, aujourd’hui, voyage un peu partout. Un enfant terrible, toujours curieux, et qui a envie de partager ce qu’il connaît.
Beau mec, est-ce que ça aide lorsqu’on est un chef « médiatique » ?
Je ne pense pas. Il y a beaucoup de chefs à belle gueule qui ne sont jamais allés très loin. Et il y en a d’autres, peut-être moins beaux, qui réussissent brillamment. Et qui est le chef le plus médiatique actuellement en France ? Philippe Etchebest ! C’est une vraie nature, un homme de caractère, plus qu’une gravure de mode. Et c’est ce que le public recherche aujourd’hui.
Votre dernière rencontre avec une groupie ?
Au Festival de Cannes cette année. J’y avais fait une carte avec mon frère spirituel, Julien Duboué. Le soir, j’étais un peu plus libre. Alors je me suis rendu à une soirée. En chemin, un mec m’a demandé de faire une photo. Là, cinq personnes ont vu qu’il y avait une photo. À leur tour, elles ont osé. Soudain, une nana s’est lancée dans un énorme sprint de 10 mètres vers moi : « Je peux aussi faire une photo ? » On l’a prise et là, elle m’a regardé et m’a demandé : « Mais vous êtes qui, monsieur ? » J’ai explosé de rire.
Comment vous détendez-vous ?
Vélo, CrossFit, escalade, natation, course à pied, triathlon… c’est une énorme échappatoire. Je cultive également une vraie passion pour le vin et pour les vignerons. C’est un métier qui se rapproche grandement du nôtre et nous ne serions rien sans eux. Les gens qui se cachent derrière chaque bouteille sont souvent formidables.
Peut-on avoir une vie normale en étant chef ?
Est-ce que je mène une vie « normale » ? Non. Je n’ai pas le rythme de quelqu’un qui bosse huit heures par jour et qui rentre le soir chez lui. Maintenant, il y a beaucoup de cuisiniers qui y arrivent en travaillant soit le soir soit le midi, cinq jours sur sept. Ça commence à venir. C’est un métier très dur qui, longtemps, a été plombé par de vieilles habitudes et des valeurs obsolètes qu’il fallait éradiquer…
Du genre ?
Les excès, les colères en cuisine, 15 heures de boulot par jour… Tout ça, je l’ai vécu. Ça m’a formé. Nous étions tellement obnubilés par nos chefs que nous supportions tout, en ne comptant rien.
Vous vous êtes séparé de Laury Thilleman en 2022. Le mariage, on ne vous y reprendra plus ?
Je ne me suis pas marié pour l’idée même du mariage. Plutôt pour une grande fête durant laquelle on célèbre l’amour de deux personnes. Je ne serai jamais fermé, mais le mariage est à mes yeux un peu arriéré. Faisons la fiesta entre copains et plantons un arbre qui symbolisera cette union pour la vie ! Je préfère ça à la mairie ou à l’église pour y signer un papier. Un papier, ça n’empêche pas le divorce.
Pour finir, une chose que votre rythme de vie vous empêche de faire ?
Dormir un peu ! Chez nous, la sieste n’existe pas.