Le grand souvenir de votre enfance ?
Le rugbyman André Boniface a intitulé ses mémoires Nous étions si heureux. Tout est dit ! Ce que je retiens, c’est l’espace et la joie. J’ai eu des parents formidables, ici, ma mère, mon frère et moi devant L’Esplanade. C’était une buvette que ma mère a transformée en restaurant et qui surplombait Bourgoin [près de Lyon, ndlr]. Un espace de plusieurs hectares appartenant à la ville, imaginez le terrain de jeu ! Et puis il y avait les pseudo-chasses à la chouette pour s’amuser à s’effrayer... Si je devais faire l’inventaire, il y en aurait pour huit jours !
Le plat qui vous a marqué ?
Les châtaignes au lait que préparait ma mère, d’une béatitude totale ! Il faut les peler une première fois, puis les cuire et se brûler les doigts pour enlever la seconde peau. Vous avez la châtaigne dans toute sa splendeur.
Refaites-vous cette recette ?
Je la réinterprète dans des amuse-bouche ou dans des plats où je joue sur les consistances, avec de la châtaigne croustillante ou moelleuse (ci-dessus). Pour moi seul, je la referais exactement comme ma mère.
Votre premier restaurant ?
Chez ma mère, bien sûr, et ça bossait ! Mon frère donnait un coup de main au bar, moi en cuisine, notre sœur aidait aussi. J’ai dû cuire mes premières truites vers 8 ou 9 ans. Mon père, jardinier municipal, se levait à 4 heures du matin au printemps pour surveiller les températures dans notre potager. Je peux dire que j’ai eu en perfusion les meilleurs principes de travail : en « père-fusion » et en « mère-fusion » ! (rires) Sur cette photo, je suis à L’Oasis à La Napoule où j’ai pu parfaire ma formation effectuée notamment auprès des frères Troisgros.
Que cuisiniez-vous pour vos parents ?
Mon père avait une affection particulière pour les côtes de bœuf. J’adorais aussi cuisiner à mes parents des poissons de lac : du lavaret, qu’on appelle aussi féra, de l’omble ou de la grosse truite.
Vos enfants font-ils partie des habitués de votre restaurant ?
Lorsqu’ils étaient au lycée, ma fille Caroline et mon fils Franck venaient, tous les mercredis au déjeuner. Nous avions peu d’occasions de passer des soirées ensemble. J’ai reproduit ce même rituel avec mes petits-enfants.
Vos sept petits-enfants s’intéressent-il à la cuisine ?
Ils ont tous un métier passion et le dernier, qui a 17 ans, a commencé un apprentissage en cuisine. Il adore tant mon millefeuille à la vanille qu’il veut bien goûter un nouveau dessert... à condition d’avoir son préféré ! Ce sont pour lui des sensations d’enfance. Il a déjà une bonne approche du métier en ayant vu plusieurs styles que je n’avais pas découverts à son âge. Serait-ce la relève ? On ne veut pas lui mettre trop de pression. Et comme j’ai l’intention de vivre jusqu’à 100 ans, il a encore 29 ans à attendre ! Ça fait quand même beaucoup, non ? (rires)