Friedmann & Versace, « La dimension narrative est au cœur de notre réflexion »

Virginie Friedmann et Delphine Versace écrivent à quatre mains des scénarios décoratifs nourris d’inspirations éclectiques. Résultat, des adresses hautes en couleur à la personnalité bien trempée, pour une expérience holistique et immersive. La preuve en images.
Article rédigé par
Céline de Almeida

Plutôt que de projets d’architecture, vous préférez parler de lieux d’art de vivre… Comment cette perception influence-t-elle votre travail ?

Nous étudions les volumes mais aussi l’histoire des lieux, ce qui nous permet d’ancrer nos idées dans un contexte plus transversal. Nous sommes très attachées à cette vision commune grâce à laquelle nous prenons de la hauteur et travaillons à la cohérence de nos projets. La direction artistique se fait donc à deux, même si l’une (Delphine, NdlR) va plus naturellement prendre en charge la partie agencement et l’autre (Virginie, NdlR), la partie storytelling.

Comment parvenez-vous à créer des espaces à forte personnalité tout en séduisant le plus grand nombre ?

La dimension narrative et l’agencement des espaces sont au cœur de notre réflexion. Nous travaillons sur la cohérence du projet avec comme objectif que le client se sente bien. Si nous attachons une importance particulière au choix des matériaux, des tissus, du dessin des mobiliers, les univers que nous créons sont avant tout libres et décomplexés.

Quel est votre signe distinctif ?

Peut-être notre volonté de faire dialoguer plusieurs influences et époques dans un même lieu, d’apporter de la poésie dans nos projets et de créer des lieux habités, vivants, qui racontent une histoire… Cela se matérialise par des associations parfois inattendues de savoir-faire traditionnels et de références contemporaines, de meubles d’époque et de mobilier dessiné sur mesure, de matières brutes et nobles… Enfin, de manière générale, l’artisanat a une place importante dans nos projets.

Le Studio Friedmann & Versace signe les décors des restaurants italiens GruppoMimo, conçus comme « de véritables lieux de rendez-vous, qui évoquent la douceur de vivre ».

Où puisez-vous vos sources d’inspiration ?

Elles sont multiples et transversales. Elles peuvent aussi bien provenir du travail de grands noms du design tels que Gio Ponti ou Carlo Scarpa, de la mode, de l’Histoire, de l’artisanat, de l’art, du cinéma, et même de nos voyages ou de nos rencontres. Nous pensons, notamment pour les projets les plus haut de gamme, qu’il est primordial de renforcer le storytelling en ne s’appuyant pas exclusivement sur l’aspect architectural. Au-delà de l’assiette, les restaurants proposent aujourd’hui une expérience globale, et notre approche permet de créer des univers immersifs qui s’y prêtent particulièrement.

Sol en opus de marbre, banquette en bois laqué brillant, comptoir en marbre Levanto et luminaires en verre de Murano :au GruppoMimo d’Asnières, le duo rend un vibrant hommage à l’élégance et à la décontraction du style italien...

Avez-vous pour habitude de travailler en collaboration avec des chefs ? Comment cela se concrétise-t-il dans l’aménagement et la décoration de vos restaurants ?

Chaque chef a un univers qui lui est propre et que nous essayons de retranscrire à travers nos scénarios décoratifs pour créer du lien entre la cuisine et la salle. Cela valorise leur créativité et renforce la lisibilité des plats. Par exemple, pour Orgueil, dont le parti pris est de cuisiner des produits de proximité, nous avons mis l’accent sur l’artisanat local.

Vous avez signé deux adresses pour le GruppoMimo, à Levallois-Perret et à Asnières, dans les Hauts-de-Seine, ainsi que deux pour Bambini, à Paris et à Megève… Comment réussissez-vous à créer une identité ou un ADN communs tout en préservant la singularité de chaque adresse ?

Pour Bambini, l’emplacement géographique a eu un impact important sur la décoration. Le restaurant parisien fait référence aux jardins, ce qui se retrouve en filigrane dans les espaces avec des fresques, des tissus et des éléments picturaux figuratifs, tandis qu’à Megève, il prend des allures de chalet familial, façon Tyrol italien traditionnel modernisé, coloré et folk. Cependant, dans les deux projets, on retrouve des pièces emblématiques telles que les chaises Bambini ou les grands luminaires en rotin. Pour les adresses du GruppoMimo, le fil rouge est à chaque fois une nouvelle interprétation de la demeure d’un esthète et dandy italien imaginaire, dans laquelle la convivialité et le plaisir de recevoir sont les maîtres mots. L’atmosphère générale se traduit par une ambiance typique des intérieurs transalpins, à la fois élégante et décontractée.

Le plafond du restaurant Orgueil, sublimé par une fresque ornementale de l'illustratrice Elsa Blondeaux, livre une représentation décalée de l'orgueil sous la forme d'un bestiaire imaginaire, dans un décor chaleureux.

Vous dévoilerez en avril prochain la rénovation d’une adresse mythique, La Pérouse à Nice. Comment avez-vous abordé ce nouveau défi, et pouvez-vous nous en dévoiler les grandes lignes ?

Nous avons imaginé une maison de vacances dans laquelle la mer, par sa proximité, est la protagoniste de la réflexion décorative. On la retrouvera à travers des motifs, mais également des matériaux et des savoir-faire emblématiques de la région, comme la céramique.

Porteuses d’histoires
Après une carrière comme scénographe dans l’art contemporain pour la première et consultante en image auprès de maisons de luxe pour la seconde, Delphine Versace et Virginie Friedmann se tournent vers la décoration intérieure. Rapidement, leur vision transversale et érudite, nourrie par des intérêts aussi divers que l’art, la mode ou la littérature, ainsi que leur sens aigu des associations de matières, de couleurs et d’époques, séduit un public éclectique de particuliers et de professionnels. Leur signe distinctif ? « Une démarche narrative permettant de créer des lieux de caractère habités par une âme singulière. »
Eloi Spinnler : « Nous avons tout de suite accroché avec leur univers »
« Nous avons rencontré le studio Friedmann & Versace grâce à un cabinet de chasseurs d’architectes, après avoir essuyé plusieurs échecs. Le feeling a été immédiat ! Avec Orgueil, nous souhaitions proposer une cuisine de chef dans un cadre unique et décomplexé, à l’image des restaurants concepts. Delphine et Virginie ont su nous proposer un vrai storytelling tout en respectant une forme de réalisme dans le budget. La décoration est à l’image de notre cuisine, simple mais surprenante par ses associations, à l’image du miroir sans tain qui sépare le bistro du speakeasy gastro ouvert sur la cuisine. »
Crédit photo :
Shehan Hanwellage / Alexandre Tabaste / Gruppomimo Levallois, Alexandre Tabaste / Gruppomimo Asnières, Alexandre Tabaste / Orgueil, Albin Durand
Article paru dans le n°
2
du magazine.
Voir le site
Inscrivez-vous pour être informé en avant première et recevoir les offres exclusives !
Merci pour votre abonnement !
Oups! Il semblerait que quelque chose n'ait pas fonctionné...