Dimore Studio « Nous traitons l’espace comme une composition cinématographique. »

Duo américano-toscan superstar du design, Britt Moran et Emiliano Salci ont remis au goût du jour l’élégance mid-century entre belles étoffes, motifs floraux et détails précieux. Un style opulent d’une modernité déroutante, qu’ils transposent aussi bien dans des intérieurs sophistiqués que dans des restaurants tendance.
Article rédigé par
Céline de Almeida

Est-ce important pour vous de raconter une histoire lorsque vous concevez un lieu ?

Absolument. Pour nous, chaque espace est une histoire, une occasion d’évoquer des souvenirs, une atmosphère et des émotions. En particulier dans l’hôtellerie, le storytelling crée un lien plus profond entre l’environnement et les personnes qui le vivent. Un restaurant n’est pas seulement un lieu où l’on mange ; c’est un endroit propice aux rituels, aux rencontres et aux sensations. Nous cherchons à créer des « scènes » se déployant progressivement, souvent avec une touche de tension inattendue ou de nostalgie. Nous jouons avec les contrastes : textures, lumière, rythme, et même silence. Nous apprécions le caractère éphémère de ces lieux : les clients vont et viennent, mais l’atmosphère doit rester forte et cohérente.

Comment parvenez-vous à infuser votre ADN dans chacun de vos projets ?

Nous partons de références – cinéma, architecture, art, histoire du design – mais nous ne les reproduisons jamais. Notre approche est intuitive : nous assemblons des éléments qui ne s’accordent pas traditionnellement, et créons une harmonie par la tension. Notre ADN réside dans cette recherche constante, dans la superposition du temps, du style et de la couleur. Chaque projet porte notre écriture, mais nous n’imposons jamais de formule.

Dévoilé fin 2023, le nouveau décor du Caruso Nuovo (Milan) se veut à la rencontre de l’Orient et de l’Occident. © Andréa Ferrari

Quels sont vos signes distinctifs ?

Nous sommes souvent reconnus pour notre utilisation audacieuse de la couleur, notre souci du détail et notre jeu avec les contrastes – entre passé et présent, douceur et netteté, rationnel et émotionnel. Il y a toujours un sens de la théâtralité, mais elle n’est jamais gratuite. Elle sert l’atmosphère. C’est aussi notre façon de traiter l’espace comme une composition cinématographique : chaque recoin, chaque ombre est délibéré.

Où puisez-vous votre inspiration ?

De sources diverses : design italien et international du XXe siècle, intérieurs oubliés, vieux films, architecture, photographies vintage et même mode. Nous collectons constamment des images, des fragments, des matériaux. L’inspiration vient aussi du contexte : un client, un bâtiment, un souvenir.

Située dans le quartier de Brera, à Milan, la Trattoria del Ciumbia renoue avec la tradition des restaurants milanais des années 1960 avec en prime, au sous-sol, un club privé. © Paola Pansini

Avez-vous l’habitude de travailler en collaboration avec des chefs ?

Oui, et le fait de comprendre leur rythme, la façon dont ils souhaitent que les convives vivent le repas, influence le design. Nous pensons toujours à la fluidité : la manière dont les clients arrivent, dont le personnel circule et dont les moments sont cadrés. Le design doit accompagner la chorégraphie de l’expérience culinaire, non pas imposer.

Comment concevez-vous l’éclairage d’ambiance ?

L’éclairage n’est jamais une réflexion secondaire : il fait partie intégrante du récit. Nous utilisons souvent une lumière indirecte, diffusée à travers des textiles, du verre ou des grilles métalliques. Nous aimons créer des contrastes : des zones plus sombres qui invitent à l’intimité, des zones de lumière qui mettent en valeur une table ou une texture. Le but est toujours d’évoquer une atmosphère, pas de surexposer.

Quels sont, selon vous, les éléments clés pour donner le ton d’un restaurant ?

Matérialité, couleur, acoustique et agencement. Le toucher d’un tissu, la courbe d’une banquette, le rythme de la disposition des tables, tout cela y contribue. L’odeur et le son comptent également plus que ce que les gens pensent. Tout cela en cohérence : chaque élément doit parler le même langage, même s’il le fait sous des angles différents.

Avec une surface de plus de 6 000 m2 sur quatre étages, dont chacun a été pensé pour évoquer une identité et une humeur différentes, The Arts Club Dubai est une prouesse décorative. © Ingrid Rasmussen

Vous avez signé la décoration intérieure du nouveau train La Dolce Vita Orient Express, un « condensé de l’art de vivre à l’italienne ». Quelles sont, d’après vous, les caractéristiques de ce style que vous incarnez ?

Avec l’Orient Express, nous avons voulu célébrer une certaine élégance intemporelle, à la fois cinématographique et sensuelle. La vie italienne, pour nous, est synonyme d’équilibre raffiné entre formalité et facilité, tradition et expérimentation. Notre style d’aujourd’hui s’enracine dans ce dialogue : riche mais jamais ostentatoire, précis mais émotionnel.

Quels sont vos projets pour les prochains mois ?

Nous travaillons sur de nouveaux projets d’hospitalité entre l’Europe et les Émirats, et nous continuons à développer des collaborations privilégiées qui nous permettent d’explorer de nouveaux langages. Depuis l’Orient Express, nous nous concentrons sur l’enrichissement du récit à travers des objets, des intérieurs et des expériences plus immersives.

Alchimie ultime
Fondé en 2003 par Britt Moran et Emiliano Salci, ce studio d’architecture et de design milanais offre une gamme complète de services, de l’architecture intérieure à la direction artistique en passant par la conception de mobilier, pour des projets résidentiels, commerciaux ou hôteliers. Sa vision érudite, à la convergence de l’art, du design et de la mode, lui a rapidement valu les faveurs d’enseignes prestigieuses telles que Fendi, Aesop, Pomellato, Dior ou plus récemment, Unsaid Paris. En 2019, ils ont fondé Dimoremilano, leur propre label d’édition de mobilier, de textiles et de luminaires.
Quintessence italienne
En janvier dernier, Britt Moran et Emiliano Salci ont dévoilé l’aménagement intérieur du train La Dolce Vita Orient Express, un projet de « croisière ferroviaire » initié par le groupe italien d’hôtellerie de luxe Arsenale en partenariat avec le mythique train, dont la marque appartient désormais au groupe Accor. Conçu comme une réinterprétation de l’âge d’or du design italien pour le voyageur moderne, le décor des 12 cabines, des 19 suites et du restaurant témoigne du savoir-faire italien à travers l’utilisation de matériaux raffinés tels que le noyer et le laiton poli, ainsi que d’un velours aux tons profonds et précieux, signature du duo milanais.
Crédit photo :
Stefano Galuzzi, Andrea Ferrari, Paola pansini, Ingrid Rasmussen, Mr. Tripper
Article paru dans le n°
11
du magazine.
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