Marc Veyrat est de ces caractères bien trempés qui n’emportent aucun consensus. D’un abord franc, parfois bouillonnant, il reste fidèle à lui-même, avant tout guidé par son « bon sens paysan » et son envie de partage. Car le chef est là, bien présent à 74 ans, dans sa nouvelle maison baptisée « Cuisine Haute Définition ». L’autodidacte, trois fois 3 étoiles au Michelin et deux fois 20/20 au Gault&Millau, nous explique d’ailleurs son procédé de conservation à l’azote des herbes sauvages qu’il cueille l’été, sa silhouette au chapeau restant indissociablement liée à l’environnement montagnard qui l’a vu naître. À table, le menu présenté par le maestro, debout parmi ses convives, prend des tours spectaculaires avec sa tartiflette déstructurée à déguster à la paille, ses « pâtes disparaissantes » comme par magie sous le filet d’un bouillon de champignons, son bonbon à l’azote à déguster les yeux fermés, pour ressentir le goût de la forêt comme si on y était, ou sa pomme de pin fumée et chocolatée à la chartreuse, dévoilée sous cloche. La myrrhe odorante, que le chef affectionne tant, parfume le foie gras poêlé, l’œuf à la berce aux notes d’agrumes se love dans la paille auprès de son boudoir à la coquille d’œuf, et le bar se marie à une étonnante sauce chocolat blanc, dans cette « immersion dans les sous-bois et les prairies des alpages » regorgeant de surprises. L’atmosphère respire la convivialité, le dîner se transformant même en soirée dansante, dans ce chaleureux chalet aux moutons que l’on aperçoit par les fenêtres. Au centre, la belle cheminée reçoit la « Cuisine de l’âtre » de Christine Heckler Veyrat, autre table sincère de ce lieu pensé aussi comme un logis alpin, dont les chambres sont de véritables cocons de bois. On pensera ce qu’on voudra ; pour ma part, c’est « un grand merci, Marc Veyrat ! »
