
Quand avez-vous été nommé directeur général d’AXA Millésimes ?
Le 2 janvier 2001, pour être précis, après avoir géré dès octobre 1993 la propriété Quinta do Noval au Portugal. Fin 1999, AXA m’a demandé si j’accepterais d’en prendre la direction générale en 2001 lors du départ de Jean-Michel Cazes [figure emblématique du vignoble bordelais qui dirigea et développa, durant près de 15 ans, AXA Millésimes, ndlr].
En quoi consiste AXA Millésimes ?
Nous avons huit vignobles à travers le monde. Aux États-Unis, nous possédons Outpost dans la vallée de Sonoma et Platt Vineyards à Sonoma Coast, en Hongrie, Disznókő, un vin Tokay, et au Portugal, Quinta do Noval ainsi que Quinta do Passadouro. En France, nous avons dans le Bordelais, le Château Pichon Baron, second grand cru classé de Pauillac, le Château Pibran et le Château Suduiraut, premier cru classé de Sauternes, ainsi que le domaine de l’Arlot en Bourgogne.
Quelle différence y a-t-il entre la gestion d’une propriété, comme Quinta do Noval, et celle d’une filiale propriétaire de vignobles à travers le monde ?
Quand on a la charge d’une propriété, on se dévoue entièrement à elle. Puisqu’on passe sa vie entre les vignes, on la respire, en quelque sorte, tout au long de l’année. Quand on gère un groupe, il est nécessaire d’avoir un contact direct avec chaque vignoble. Et comme, hélas, on ne peut pas tout faire, il faut s’assurer que chaque personne sur place soit vouée à la propriété. En ce sens, c’est très différent mais les principes demeurent semblables. Le cœur de l’activité est l’interprétation du terroir.


Quand vous recrutez un directeur en charge d’un domaine, évoquez-vous d’abord avec lui le terroir, ou l’aspect commercial ?
Pour moi, le critère essentiel est l’amour pour la terre et sa passion pour le vin. Si l’on ne possède pas ces deux valeurs, il est impossible de faire des grands vins. Le vignoble est au cœur de tout.
Pour réaliser un grand vin, donnez-vous des directives, ou laissez-vous faire votre directeur ?
Accomplir un grand vin, c’est pouvoir exprimer la caractéristique unique d’un grand terroir. Il faut, selon moi, donner une large autonomie à chaque responsable. Cette personne passe tout son temps sur cette terre, et connaît donc parfaitement chaque parcelle. Elle est la plus compétente à exprimer la personnalité du vignoble. Chez AXA Millésimes, nous souhaitons réaliser des grands vins qui restent fidèles à l’esprit de leur terroir. Nous cherchons à éviter les techniques de vinification qui viendraient maquiller cette philosophie.
Le fait d’appartenir à un institutionnel, est-ce un avantage ?
Je pense que tout dépend de la philosophie de la maison mère. AXA Millésimes, depuis le début, en 1987, a toujours eu une vision à long terme des propriétés. C’est une chance. Sans cette conception, il est impossible de gérer comme il le faut un grand vignoble, car chaque décision l’engage sur plusieurs années. Il est absolument nécessaire qu’un institutionnel ou une famille ait une vision éclairée sur le long terme. C’est davantage l’approche de l’actionnaire que sa nature qui détermine la probabilité de la réussite.
Pourquoi avoir investi aux États-Unis récemment ? Est-ce une opportunité nouvelle ou une manière de mieux intégrer le marché américain ?
C’était une décision stratégique d’AXA Millésimes pour le futur. Notre volonté, avec nos deux vignobles américains, est de pouvoir réaliser des vins qui auront un lien avec nos deux grands vignobles français : Château Pichon Baron à Bordeaux et l’Arlot en Bourgogne. Nous cherchons à exprimer au mieux le cabernet sauvignon, le chardonnay et le pinot noir de l’autre côté de l’Atlantique. C’est une extension logique, avec toujours cette notion de révéler les qualités des cabernets, des pinots noirs et des chardonnays de la Californie. Nous ne souhaitons pas faire du pauillac aux États-Unis.
Parmi toutes les belles propriétés dont vous avez la responsabilité, avez-vous des préférences de cœur ?
J’aime toutes nos propriétés. Mais il est évident que celle qui me touche le plus au cœur est Quinta do Noval, car c’était la première pour moi.



Aviez-vous pour ambition, au début de votre carrière, de travailler dans le monde du vin ?
Je suis diplômé en littérature anglaise et française de l’université de Cambridge, en Angleterre. Mon père était un écrivain du vin. Pour l’un de ses ouvrages, il m’a emmené dans le Bordelais où j’ai eu la chance de goûter jeune de grands flacons. Il en parlait de manière merveilleuse, et je me suis dit, pourquoi pas travailler dans ce domaine !
Quel conseil donneriez-vous à une personne souhaitant se lancer dans le vin ?
C’est un métier que l’on ne peut faire seulement si on est passionné. Il faut y mettre toute son âme.

