Château Angelus, huit générations, une même passion

Si bon nombre de châteaux prestigieux de Bordeaux ont été rachetés par des banques, des compagnies d’assurances ou de grands groupes du luxe, ce n’est pas le cas d’Angelus, premier grand cru de Saint-Émilion, qui a toujours été entre les mains d’une seule et même famille.
Article rédigé par
Sylvain Ouchikh

Rares sont les châteaux de Bordeaux à être encore des propriétés familiales. Et c’est d’autant plus vrai quand ils sont de renommée mondiale… Au moment de la transmission, les grands industriels et les entreprises institutionnelles se jettent sur le gâteau que les ayants droit ont du mal à se partager, profitant du fait que rester propriétaire est un véritable défi financier lorsqu’il s’agit de racheter les parts des membres de la famille qui souhaitent vendre. Ainsi, Cheval Blanc à Saint-Émilion et Château d’Yquem à Sauternes sont à présent dans le giron du groupe de luxe français LVMH ; Château Latour à Pauillac est la propriété de la famille de l’industriel français François Pinault ; Troplong-Mondot, à Saint-Émilion, appartient à la société de réassurance Scor… 

Incarné par une femme

Jusqu’à présent, Château Angelus a su maintenir cet équilibre si fragile : depuis 1782, la famille de Boüard de Laforest est la gardienne du domaine. Et la relève semble assurée avec la jeune et dynamique Stéphanie de Boüard-Rivoal, qui représente la huitième génération des Boüard de Laforest. C’est elle qui incarne désormais Angelus. Sur les traces de Catherine-Sophie de Boüard de Laforest en 1800 et d’Eugénie Chatenet en 1900, elle est la troisième femme à diriger le domaine depuis 2012. 

La relation qu’elle entretient avec Angelus est de nature charnelle. Elle « vit » cette terre, y puise le courage et la détermination dont elle a besoin pour tenir son cap, c’est elle qui l’alimente affectivement et spirituellement : « Je vis cela comme un engagement qui, par métaphore, me paraît relever du sacerdoce que l’on vit avec foi, passion et gratitude, confie la quadragénaire. Toutes générations confondues, nous sommes toujours au service du passé de notre famille, de notre présent, mais aussi et surtout au service du futur de ceux qui deviendront à leur tour dépositaires de cette histoire. Il nous appartient de les préparer à la tâche qui les attend afin qu’ils la remplissent de la meilleure manière. » 

Depuis son arrivée en 2012, Stéphanie de Boüard-Rivoal souhaite que les vins d’Angelus possèdent à la fois de la délicatesse et de la structure. © Deepix

Une progression fulgurante

Si le Château Angelus fait actuellement partie des très grands bordeaux, sa notoriété n’était pas la même il y a près de 30 ans. Il doit son évolution à l’arrivée, en 1987, d’Hubert de Boüard de Laforest, le père de Stéphanie, œnologue diplômé de l’université de Bordeaux, qui a véritablement révolutionné le domaine. Il a commencé par agrandir le vignoble et y appliquer des techniques innovantes. Il a mis en place un protocole inédit sur les barriques en les remplaçant chaque année, pour n’utiliser que du bois neuf. Il a initié la sélection parcellaire de son terroir afin de travailler comme un horloger : « Angelus est la coordination réussie d’un encépagement audacieux avec une forte dominante de cabernet franc et d’un terroir d’exception. Nous recherchons à chaque millésime la richesse, la densité, l’élégance et la pureté », explique Hubert de Boüard de Laforest. Pari réussi, jusqu’à obtenir le Graal en 2012, quand le château accède au pinacle des vins de Saint-Émilion en décrochant la mention suprême de premier cru classé « A ».

Les vins sont élevés à une température constante de 14 degrés avec une hygrométrie de 70 % dans les chais modernes avant d’être embouteillés et proposés aux amateurs. © Alexis Cottin

Se diversifier pour avancer

Par son énergie positive, Stéphanie de Boüard-Rivoal a inscrit cette propriété dans une ère nouvelle dès 2013. Elle a rapidement perçu qu’Angelus devait devenir, encore davantage, une marque réputée dans le monde entier. Son coup de génie : proposer des expériences nouvelles à ses amateurs qui deviennent ensuite tout naturellement ses ambassadeurs. C’est ainsi que, tout en poursuivant le développement des activités familiales, elle a entrepris une diversification dans les domaines de la restauration et de l’hébergement. En 2013, Angelus a fait l’acquisition du Logis de la Cadène, adresse historique de Saint-Émilion. Le sens de l’hospitalité et du partage, profondément ancré dans la culture familiale, s’exprime dans deux autres lieux de séjour au sein du village, la Maison de la Cadène et l’Auberge de la Commanderie. En 2019, la famille de Boüard de Laforest a ouvert un nouveau chapitre de la vie du Gabriel, célèbre hôtel particulier situé place de la Bourse à Bordeaux. Elle l’a entièrement rénové durant deux longues années pour en faire un bar au rez-de-chaussée avec terrasse ouverte, un bistrot au premier étage et un restaurant gastronomique au second. Avancer afin de rester libre et indépendant, telle pourrait être la devise de cette famille. 

Le labour à cheval entre les rangs de vigne est aujourd’hui prôné sur une partie du vignoble afin de moins tasser les sols et respecter l’environnement. © Deepix
La Ferme 1544
En 2022, Château Angelus a fait l’acquisition d’une ferme de 9 hectares à Saint-Loubès. On y trouve des légumes et des fruits de saison, des céréales, des champignons et des volailles : de quoi répondre aux besoins des grands chefs qui cherchent à maîtriser totalement leurs approvisionnements. D’ailleurs, la récolte de la ferme alimente les cuisines des restaurants de la famille de Boüard de Laforest : le Logis de la Cadène et Le Gabriel. L’exploitation a été baptisée La Ferme 1544 en hommage à l’histoire des Boüard, car les premières traces de l’implantation régionale de la famille remontent à 1544, lorsque Georges Boüard, bourgeois, avocat au Parlement et jurat de la ville de Bordeaux, s’installa à Saint-Émilion.
Les restos d’Angelus
L’aventure a démarré avec le Logis de la Cadène, adresse emblématique de la petite commune de Saint-Émilion. Entièrement rénové en 2014 et en 2023, doté de huit chambres et suite aux meubles chinés, il est vite devenu une adresse incontournable pour les gourmets avec son restaurant étoilé Michelin. Aux beaux jours, sa cuisine créative se déguste sous la tonnelle. À Bordeaux, en plein cœur de la ville, avec vue sur la Garonne, Le Gabriel a ouvert ses portes en 2019. On y sert les vins de la propriété, mais également de toutes les régions de France, avec une carte de champagnes exceptionnelle.
Crédit photo :
Deepix, Alexis Cottin, Boris Allin-Fisheye
Article paru dans le n°
4
du magazine.
Voir le site
Inscrivez-vous pour être informé en avant première et recevoir les offres exclusives !
Merci pour votre abonnement !
Oups! Il semblerait que quelque chose n'ait pas fonctionné...