Caroline Tissier, « L’invité vedette de Fleur de Loire, c’est le fleuve à ses pieds »

L’architecte décoratrice signe la déco de Fleur de Loire, le nouveau défi XXL du chef doublement étoilé Christophe Hay, inauguré l’été dernier à Blois au sein d’un bâtiment historique de 5 000 m2. Entretien avec une experte des mises en scène de restaurants.
Article rédigé par
Ludovic Bischoff

Fleur de Loire est, à ce jour, votre projet le plus ambitieux. Quel a été le périmètre de votre intervention ? 

Il a fallu plus de deux ans de travaux pour métamorphoser ce bâtiment historique – un ancien hospice – en Relais & Châteaux 5-étoiles hébergeant deux restaurants et un kiosque à pâtisseries, 44 chambres et suites, un bar, un spa avec bassin extérieur, une salle de séminaire, etc. Je suis intervenue dans tous les espaces pour garantir l’harmonie de cette imposante structure en « U ». Un tel chantier impose pas mal de contraintes techniques, mais réserve aussi quelques belles surprises, comme ces magnifiques colonnes en bois que nous avons découvertes lors des travaux et qui ont été conservées, notamment dans le bar. 

Le chef avait-il exprimé des envies précises ? 

Non, Christophe Hay ne m’a pas délivré de consignes strictes. Pour composer cet écrin sensoriel, le seul souhait dont il a fait part était de penser le design en s’inspirant de la nature, des eaux tumultueuses de la Loire, du patrimoine ligérien et de sa belle minéralité. De mon côté, j’avais en tête de développer un récit propre à l’établissement et de définir une esthétique élégante, ancrée dans la région, si importante pour ce chef qui cuisine avant tout les produits locaux. Avec lui, nous avons créé un lieu classique au premier abord, mais également moderne, aux détails tout en finesse, à l’image de sa cuisine.

Quelles sont les lignes fortes qui structurent Fleur de Loire ?

L’invitée vedette, c’est le fleuve qui coule à ses pieds. Ainsi, on retrouve régulièrement des motifs inspirés des grèves qui la parsèment, comme sur l’immense luminaire du lobby créé par Art et Floritude. Dans les chambres, les parois des douches dessinent des vaguelettes de sable, en référence à celles que l’on voit sur les berges. Les couleurs retenues sont autant de rappels de cet univers ligérien auquel Christophe est profondément attaché : les teintes sablonneuses et pierreuses, les beiges clairs, irisés ou grisés, font écho aux rives mais aussi aux pierres du pont Jacques-Gabriel, en face de l’hôtel. Quant à la palette allant du vert au bleu, elle évoque les couleurs changeantes du fleuve majestueux qui a façonné ce territoire. 

Vous avez choisi quelques touches de modernité assumées…

Oui, il n’était pas question de faire une demeure historique mais un lieu de vie contemporain, pleinement inscrit dans l’esprit du Val de Loire. Ainsi, le laiton patiné, brillant ou brossé, est présent partout : parfois par petites touches, sur un luminaire, parfois de manière plus affirmée, comme dans les chambres où deux petits claustras encadrent la tête de lit, ce qui permet de se constituer une alcôve. Les luminaires sont souvent des pièces de décoration à part entière : les suspensions circulaires Edizioni Design dans le bar, les lampes en albâtre de Bert Frank qui ponctuent les lieux de circulation ou encore ces merveilleuses pièces signées Luke Lamp & Co – un fabricant américain qui travaille sur l’illumination de la corde –, qui flottent au-dessus des tables du restaurant étoilé.

La gastronomie est au cœur de Fleur de Loire. Comment avez-vous pensé les espaces de restauration ? 

Au restaurant gastronomique, baptisé Christophe Hay, nous avons opté pour des couleurs douces, des crèmes et des grèges. La moquette reproduit les bancs de sable de la Loire et les murs parsemés de vagues délivrent une douce clarté. La lumière, encore et toujours, a été particulièrement soignée pour que chacune des tables – qui sont fixes et n’ont pas vocation à être déplacées  – soit parfaitement éclairée afin de mettre en valeur les plats. Quant au second restaurant, baptisé Amour Blanc, il est tout entier structuré par les immenses baies vitrées qui donnent sur le fleuve et les bâtiments historiques de Blois. La salle a donc été pensée pour ne pas accaparer l’attention des hôtes, qui dévorent le panorama des yeux autant que leurs assiettes ! Enfin, au rez-de-chaussée d’Amour Blanc, le kiosque à pâtisseries a été voulu le plus ouvert sur la rue et le plus clair possible. J’aime tout particulièrement le travail qu’a réalisé JolieM’Home sur le mur d’entrée, où une sorte de glaçage de pâtisserie blanc rehaussé de touches de couleur, comme des taches de fruits, apporte une dimension actuelle et raffinée, à l’image de tout ce que l’on a voulu faire à Fleur de Loire.  

Caroline Tissier, aux côtés des chefs
Des études de droit et une carrière dans le tourisme avant d’intégrer, à 28 ans, l’École Boulle, puis de travailler six ans chez Ligne Roset… Caroline Tissier a pris son temps avant de se consacrer à la décoration intérieure. Elle a débuté avec son mari au sein de Contract Factory (un bureau d’études spécialisé dans l’hôtellerie), puis a créé sa propre agence en 2013. Elle a alors œuvré au lancement du restaurant d’Akrame Benallal avant de s’occuper de ceux de David Toutain, Jacky Ribault, Yohann Chapuis, Guillaume Sanchez, Thibault Sombardier… et Christophe Hay.
CHRISTOPHE HAY : « CAROLINE A APPORTÉ UNE TOUCHE CONTEMPORAINE »
« J’ai fait appel à Caroline Tissier en 2016 pour l’aménagement de mon premier restaurant, La Maison d’à Côté (près de Chambord, NdlR). Nous avons encore travaillé ensemble pour ma seconde adresse, La Table d’à Côté, en 2018. Lorsque je me suis lancé dans cette aventure qu’est Fleur de Loire, poursuivre ma collaboration avec elle était une évidence. Elle a matérialisé l’esprit du fleuve que je voulais insuffler dans cet édifice, qu’il fallait transformer en lieu d’hébergement et, surtout, de gastronomie. Je ne voulais pas un hôtel de luxe mais une maison accueillante et chaleureuse, ce que Caroline a bien compris en apportant sa touche contemporaine que j’apprécie beaucoup. J’ai une grande complicité avec elle. En revanche, les arts de la table, les assiettes ou les couverts, c’est vraiment mon domaine ! »
Crédit photo :
© Grégoire Manoukian, Cosentino DR
Article paru dans le n°
1
du magazine.
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