En 1991, Alex Croquet ouvre sa boulangerie-pâtisserie à Wattignies, dans la banlieue de Lille. Il a 27 ans, un CAP boulangerie et un brevet de maîtrise pâtisserie en poche. Il adore monter des pâtisseries toutes plus techniques les unes que les autres, mais le pain l’ennuie. Jusqu’au jour où il fait une rencontre qui va changer sa vie : celle du levain. « Je suis tombé amoureux, raconte-t-il avec la verve teintée d’accent ch’ti qui le caractérise. Le levain est un animal : il bouge, il fait du bruit… La vie naît dans mon atelier, et je la partage dans mes pains. C’est extraordinaire. » Textures, couleurs, goûts : Alex Croquet veut tout. Ce n’est pas un hasard si les plus grands chefs de France ont fait le détour par Wattignies pour goûter ses folies.
Changer tout… tout le temps ! Chez Alex Croquet, rien n’est jamais figé. Un tantinet obsessionnel, il aime tout comprendre. Cette insatiable curiosité le pousse à aller toujours plus loin dans la connaissance des matières qu’il travaille. Le levain, l’eau (purifiée puis dynamisée dans une rivière en céramique), les farines… il vient d’acquérir un moulin et fabrique aujourd’hui 60 % de celles-ci.
Le temps des pâtisseries complexes est révolu : aujourd’hui, Alex Croquet aime la fragilité. Montée sur une pâte feuilletée inversée, sa tarte fine aux clémentines est d’une grande délicatesse. Et chaque quartier est émincé à la main : « Pendant les fêtes, je découpe 80 kilos de clémentines, rit l’infatigable pâtissier. Mes enfants se moquent de moi ! »
Dans la boutique de Wattignies, une offre réduite au cœur du métier : ici, ni soda ni sandwichs ! Seulement des pains bio, présentés devant les murs de brique typiques du Nord ; et sur les comptoirs blancs, des viennoiseries et des pâtisseries. Autre adresse rue Esquermoise, dans le Vieux-Lille : derrière une devanture discrète, une boutique graphique, écrin immaculé où les pains sont mis en scène sur un fond couleur prune.
Pour travailler avec Alex Croquet, mieux vaut aimer la musique : dans son atelier, les enceintes tournent à plein régime ! « J’ai des goûts éclectiques, raconte-t-il. Quand je suis dans une période baroque, ceux qui travaillent avec moi écoutent Purcell pendant trois mois, puis on passe à de la techno allemande ! Pendant cinq ans, je faisais écouter les concertos pour cor de Mozart à mes levains : il me semble que ça leur faisait du bien ! »