Domaine Alexandre Bonnet, éloge de la discrétion

Depuis 1934, le Domaine Alexandre Bonnet produit des vins dans les trois appellations autorisées de la Champagne. Arnaud Favre, le Président du Domaine, souhaite redonner ses lettres de noblesse à ce vignoble historique de l’Aube.
Article rédigé par
Sylvain Ouchikh

Les Riceys, village médiéval aux trois clochers et aux vingt-six édifices classés au titre des Monuments historiques, situé à la limite de la Bourgogne, est presque totalement inconnu des amateurs de vin. Et pourtant, il n’est qu’à une centaine de kilomètres de la ville d’Épernay, le centre névralgique de la Champagne. « Aux Riceys, on est loin de la magnificence des hôtels particuliers de l’avenue de Champagne à Épernay. Ici, la forêt et la nature préservée sont notre luxe », note Arnaud Fabre, le Président du Domaine Alexandre Bonnet.

Président du Domaine Alexandre Bonnet, Arnaud Fabre est fier de produire un vin de gastronomie, résultat d’une exigence constante.

Avec ses 866 hectares de vignes, la commune couvre la plus importante surface viticole de la Champagne. Elle est en outre la seule zone géographique à pouvoir revendiquer les trois appellations d’origine contrôlée (AOC) : Champagne, Coteaux champenois et Rosé des Riceys. 

Le rosé des Riceys, un vin d’exception

C’est sur ce terroir unique, composé à 80 % du subtil cépage pinot noir, que le Domaine Alexandre Bonnet produit ses vins effervescents et tranquilles, depuis bientôt neuf décennies, dont le fameux rosé des Riceys. « Ce vin est unique, souligne Arnaud Fabre. C’est un vin de gastronomie avec une couleur plus marquée, loin des rosés pâles, voire presque blancs de la Provence. Nous sommes également l’une des seules appellations françaises de rosé avec Tavel, dans la vallée du Rhône. Cette particularité nous impose un cahier des charges des plus stricts. » Les raisins récoltés pour élaborer le rosé des Riceys doivent impérativement provenir de l’aire d’appellation Rosé des Riceys qui s’étend sur 350 hectares (sur les 866 de la commune). « Nous allons chercher nos pinots noirs sur les coteaux les plus favorablement exposés, détaille Didier Mêlé, l’œnologue du domaine depuis 2000. Avec le jeune Irvin Charpentier, le chef de cave, lorsque l’heure de la vendange approche, nous faisons le tour des parcelles. Nous goûtons les baies. Nous suivons le passage délicat, pas à pas, du végétal au fruit. Cela nous permet de programmer le circuit de la vendange du premier au dernier coup de sécateur, pour notre rosé, mais également pour l’ensemble des vins de notre gamme. » Cette pratique empirique, à mille lieues des usages des laboratoires et des résultats des algorithmes, a été calquée sur celle en vigueur dans le vignoble bourguignon, où l’objectif est l’expression la plus ultime du terroir. Être éloigné de la montagne de Reims ou de la côte des Blancs, les seules zones géographiques à pouvoir revendiquer sur leurs étiquettes « grand cru » ou « premier cru », peut être un handicap commercial, toutefois cela se révèle aussi un avantage si l’on souhaite élaborer un vin avec une identité propre. Par sa position géographique, le Domaine Alexandre Bonnet est, en effet, à la croisée des savoir-faire de la Bourgogne et de la Champagne.

Paisible, le charmant village des Riceys se trouve à mi-chemin entre la Champagne et la Bourgogne.
Sur son vignoble, le domaine produit du champagne, un rosé des Riceys et un coteau champenois blanc et rouge.

Au domaine, la sensibilité prime la technologie, comme le détaille Irvin Charpentier : « Nous écoutons les parcelles afin d’avoir dans nos paniers les raisins les plus beaux et les plus sains. On les emmène à la cave comme on emmène un enfant à l’école. C’est à ce moment-là que nous voyons s’ils ont le potentiel pour être macérés et pour faire soit un rosé, soit un très grand champagne blanc de noirs (100 % pinot) ou encore un coteau champenois. Tout dépend du millésime car ce que nous recherchons, c’est en priorité l’expression du terroir et de l’année. »

100 % des raisins issus du domaine

Un travail d’orfèvre, où rien n’est laissé au hasard. Arnaud Fabre a toujours été conscient que les grands vins s’élaboraient avant tout à la vigne. Pour preuve, ses différentes cuvées, effervescentes (pour les champagnes) et tranquilles (pour les rosés, les rouges et les blancs), sont préparées exclusivement avec des raisins issus de son vignoble. Il n’y a aucun achat à l’extérieur, à l’inverse de la coutume en vigueur en Champagne où toutes les grandes maisons, mondialement réputées, demeurent avant tout des négociants. 

Alain Pailley, le chef de cave historique du domaine, et son successeur, le jeune Irvin Charpentier.

Pour garantir la qualité de ses raisins, le propriétaire a demandé à ses équipes de répertorier chaque parcelle, d’aller chercher jusqu’à l’intra-parcellaire, afin de faire ressortir, à chaque saison, comme il dit « la substantifique moelle, d’aller toujours plus loin dans le sens du vin ». C’est là le secret des grands vins.

La gamme du domaine
Sur son propre vignoble, le Domaine Alexandre Bonnet produit au total huit vins : trois champagnes blancs, deux champagnes rosés, un rosé des Riceys (baptisé La Forêt), un vin rouge et un vin blanc (issu d’un assemblage de pinot noir et de chardonnay). Dans le registre des bulles, la cuvée la plus originale est incontestablement La Géande. Construite à partir des sept cépages historiques et autorisés de la Champagne (pinot noir, chardonnay, pinot meunier, arbane, petit meslier, pinot blanc et pinot gris), cette cuvée de caractère à la structure puissante et aux bulles aériennes diffuse des parfums de pêche et de coing. La finale est légèrement épicée et salivante.
Le rosé des Riceys
Il a été reconnu comme une appellation d’origine contrôlée par le décret du 8 décembre 1947. Celle-ci est réservée aux vins tranquilles (sans bulles) rosés. Dans ce texte, il est stipulé que « la récolte des raisins (uniquement du pinot noir), la vinification et l’élevage des vins sont assurés sur le territoire de la commune suivante du département de l’Aube : Les Riceys ». Résultat : le vin présente une couleur rouge clair. Au nez, on ressent immédiatement la cerise noire, mais également la fraîcheur par de subtiles notes citronnées comme celles de la bergamote. Et en bouche, ce vin de gastronomie se révèle complexe avec une amplitude réconfortante.
Crédit photo :
DR
Article paru dans le n°
3
du magazine.
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