Bordeaux, la tentation du blanc sec

Même si le vignoble bordelais du Médoc et de Saint-Émilion est surtout reconnu pour ses vins rouges (84 % de la production totale), ses blancs reprennent des couleurs, sur la rive gauche comme sur la rive droite.
Article rédigé par
Sylvain Ouchikh

Dans les années 1950, la production de vins blancs du vignoble bordelais représentait 60 % de la totalité, contre à peine 9 % actuellement. Néanmoins, le vent tourne, tant du côté du Médoc (rive gauche) que de Saint-Émilion (rive droite) : le blanc sec suscite aujourd’hui l’intérêt des consommateurs et fait un come-back remarqué au niveau des ventes.

Ainsi, le fameux Château Cheval Blanc, à Saint-Émilion, rencontre un vrai succès avec son blanc sec et complexe « Le Petit Cheval », proposé à la vente depuis 2014. Il est élaboré à partir d’un cépage unique, le sauvignon. Château Petit Val, dans la même appellation, ose même produire un blanc généreux avec une finale tout en tension à base du cépage alsacien riesling, depuis 2020. Unique et disruptif ! 

Les cépages blancs couvrent à peine 11 % du vignoble bordelais.

L’intérêt de châteaux de renom

Toujours à Saint-Émilion, Benoit Trocard, le propriétaire du Clos Dubreuil, a toujours voulu élaborer un très grand blanc sur ses vignes. Il recherche avec son 100 % chardonnay la salinité altière procurée par son terroir. Un autre château prestigieux, La Gaffelière, lui emboîte le pas et lance cette année sur le marché son 100 % chardonnay, le « G de La Gaffelière », avec des raisins provenant de l’une de ses plus belles parcelles situées à proximité du mythique Château Ausone. « Seulement 580 bouteilles seront disponibles dans un premier temps », indique Alexandre de Malet-Roquefort, le propriétaire. Le Château Angélus suit également cette tendance avec un assemblage des cépages plus traditionnels de la région comme le sémillon ou le sauvignon blanc. 

Côté rive gauche, dans le Médoc, l’engouement est total. Le Château Lagrange, grand cru classé 1855, dans l’appellation Saint-Julien, a fait office de précurseur avec son vin élégant et racé « Les Arums de Lagrange », lancé en 1996. Son directeur général, Matthieu Bordes, confirme cet enthousiasme : « Il y a environ soixante producteurs de vins blancs aujourd’hui, contre à peine une dizaine en 1996. Tout le monde s’y met ou presque. Avoir un blanc dans sa gamme est distinctif. Quand nous recevons au château, nous le servons à la place du champagne. Nous valorisons ainsi notre savoir-faire, car il est bien plus difficile de réaliser un grand vin blanc qu’un vin rouge. »

À Saint-Estèphe, autre appellation illustre du Médoc, le « Cos d’Estournel » blanc, commercialisé en 2005, rivalise désormais en notoriété avec son frère, le « Cos d’Estournel » rouge. Un autre vin blanc de la propriété, « Pagodes de Cos », plus accessible avec ses arômes portés par les agrumes, est même venu compléter la gamme du château en 2018, riche de six vins désormais.

Si les noms des châteaux sont prestigieux, tous ces vins produits au sein de ces grands domaines pâtissent d’une commercialisation sous une appellation générique peu gratifiante : « Bordeaux sec », « Vin de France » ou même « IGP Vins de Pays de l’Atlantique » pour la cuvée « Blanc du Milieu », pourtant élaborée exclusivement avec les vignes appartenant à Angélus. La faute au cahier des charges de l’appellation qui interdit formellement d’ajouter sur l’étiquette « Pauillac », « Saint-Julien », « Margaux » ou « Saint-Émilion ». Une carence cruelle qui alimente le débat entre les professionnels souhaitant faire évoluer les règles en vigueur et avoir le droit de revendiquer l’appellation sur la bouteille. Tous sont en effet, et à juste titre, persuadés que cela faciliterait la reconnaissance de ces vins blancs pour les consommateurs français et surtout étrangers. 

Les blancs secs de Bordeaux trouvent aisément leur place sur les tables estivales, par exemple pour accompagner une assiette d’huîtres.

L’appellation « Sauternes » en question

C’est encore plus vrai pour une appellation comme « Sauternes », dont les blancs liquoreux se vendent laborieusement. Nombreux sont les châteaux de cette appellation (Château Guiraud, Château Suduiraut, Château Sigalas Rabaud…) à façonner aujourd’hui sur ces terres plus de blancs secs que de vins sucrés. Le nom de l’appellation Sauternes serait alors un vrai plus pour asseoir plus rapidement la notoriété naissante d’un grand vin blanc sec élaboré sur ce terroir de blanc. Il en va de la santé économique même de cette appellation renommée !  

Quelques repères de dégustation

Le sémillon
Généreux au nez, il libère des notes de fruits mûrs, comme l’abricot, ou le miel. En bouche, il est opulent. 

Le sauvignon blanc
Bien vinifié, il apporte au nez des arômes fruités délicats. En bouche, il se distingue par sa vivacité et sa salinité sur la finale. 

La muscadelle
Elle est la touche finale à l’élaboration en faible quantité. On la retrouve surtout dans les vins moelleux et peu dans les vins secs. Elle se veut ample par ses arômes puissants.
Les cépages blancs de référence à Bordeaux
Les cépages blancs représentent à peine 11 % de la superficie totale du vignoble bordelais. Le cépage de référence entrant dans la plupart des assemblages des blancs secs est le sauvignon blanc. Il est souvent associé avec le sémillon, que l’on retrouve plus fréquemment dans les blancs liquoreux et moelleux. On peut le conjuguer au sauvignon gris et à la muscadelle en complément.
Crédit photo :
DR
Article paru dans le n°
3
du magazine.
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